São Vicente
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Chantée par la diva capverdienne Cesaria Evora, São Vicente est présentée comme l'île culturelle de l'archipel, mais il s'agit naturellement d'une description réductrice à double titre : d'une part la richesse de São Vicente ne réside pas seulement dans sa culture, et d'autre part les autres îles ont évidemment développé des mouvements culturels ou des manifestations toutes aussi intéressantes.

HISTOIRE

São Vicente a été l'une des dernières îles à être découvertes, et ne fut peuplée significativement, non sans difficulté, que plus de trois siècles plus tard, bien après le reste de l'archipel, avec de premiers résultats encourageants dans les années 1820. La ville de Mindelo fut construite autour d'une baie qui assurait un refuge extrêmement sûr aux bateaux. Très vite, son port (Porto Grande) se développa et attira les compagnies anglaises et leurs stocks de charbon destinés à ravitailler des centaines de navires s'élançant pour les Amériques.

En devenant dès 1875 le plus grand port de charbon d'Atlantique du Sud, Mindelo vivait alors son âge d'or et accueillit de nombreux habitants des îles voisines fuyant les sécheresses, les épidémies et les famines. Les anglais contrôlaient l'activité économique et leur mode de vie influença durablement le reste de la population. Aujourd'hui encore, bien après le départ des derniers britanniques, Mindelo compte des courts de tennis, un terrain de golf, un centre d'équitation, on y joue parfois au cricket et on sirote du gin en disant "Tud cool tud nice".

Mais après l'apparition de ports concurrents, bien plus modernes et moins chers à Las Palmas et à Dakar, Mindelo subit de plein fouet l'abandon des bateaux à vapeur, à qui l'on préféra naturellement les moteurs au fuel conférant une plus grande autonomie. Mindelo la cosmopolite vécut alors un véritable déclin, le port fut complètement délaissé et la ville, abandonnée à son sort, perdit son statut de grand centre économique.

Après l'indépendance, le gouvernement capverdien privilégia la pêche, les manufactures textiles, améliora la production d'eau et d'électricité; plus tard, dans les années 90, avec la libéralisation du pays, des activités semi-industrielles virent le jour et, aujourd'hui, bien qu'encore handicapée par un taux de chômage à plus de 20%, São Vicente vit une nouvelle période de développement. Enfin, l'annonce d'un aéroport international finalement ouvert en décembre 2009 a attiré de nombreux investisseurs étrangers, annonçant pour les prochaines années des projets touristiques pour un total de plusieurs milliards d'euros.

MINDELO

Ville de près de 70000 habitants, Mindelo vit aujourd'hui au rythme des programmes immobiliers et des investissements spéculatifs: nombreuses sont les vieilles maisons du centre ville à être détruites pour faire place à des immeubles de plusieurs étages.

Mais malgré cela, il est encore très agréable de se promener dans "morada", le centre historique de Mindelo, entre les anciens bâtiments des douanes, ceux des compagnies anglaises, sur la Praça Nova ("nouvelle place"), sur la rue de Lisboa ou près de la tour de Bélem, réplique d'une grande soeur lisboète. Le rythme de vie à Mindelo y est singulier, entre décontraction méditerranéenne et flegme britannique, le temps qui s'étire doucement est l'une des meilleures valeurs de la cité, et les promenades de fin de journée le long du bord de mer, face à la montagne en forme de visage (Monte Cara) enveloppée par la lumière orange du soleil couchant, rappellent au visiteur que la baie de Mindelo a été classée parmi l'une des plus belles au monde.

En début d'année, la ville s'anime et prend pendant quelques jours des atours brésiliens à l'occasion du Carnaval, réputé pour être le plus exubérant de tout l'archipel. Le jour du Mardi Gras, on craint que la ville soit trop petite pour pouvoir accueillir toutes celles et tous ceux venus assister au passage de plusieurs milliers de danseurs costumés. Entre les groupes organisés et existant pour certains depuis plusieurs décennies, le peuple de Mindelo défile et s'approprie le Carnaval, en exhibant des déguisements de fortune, excentriques, en caricaturant les puissants, en pointant avec ironie ses propres défauts.

En septembre, après avoir vécu quelques chaudes semaines estivales au rythme des fêtes organisées en l'honneur des émigrants capverdiens de retour au pays, la ville assiste au Mindelact, festival de théâtre invitant des troupes de tous les continents.

Enfin, en fin d'année, les rues de Mindelo s'illuminent au son de "Boas Festas" ("Bonnes Fêtes", l'hymne composé et joué par le défunt clarinettiste Luis Morais) et le 31 décembre à minuit, la population se rassemble sur le bord de mer pour s'embrasser au son des sirènes des cargos mouillant dans le port, et sous le traditionnel feu d'artifices. Les bals durent alors jusqu'au petit matin, et, le 1er janvier, la fanfare municipale infatiguable parcourt les rues de la ville, entraînant dans son sillage les fêtards aux visages et aux costumes marqués par leur première nuit blanche de l'année.

SÃO VICENTE

Au sud de l'île, le village de pêcheurs de São Pedro est situé à l'extrémité d'une plage splendide faite de sable blanc que des rouleaux d'une force incroyable rendent parfois impraticable. A l'autre bout de la plage, le premier complexe touristique de l'île, le Foya Branca, assiste à la lente construction de nouveaux concurrents autrement plus grands.

Au nord-est, le village de Salamansa compte quelque cent familles, vivant principalement de la pêche. Courageuses comme toutes les capverdiennes, les femmes partent chaque matin à Mindelo pour y tenir leur stand au marché aux poissons, ou pour parcourir les rues, leurs bassines lourdes de thon, de maquereaux ou de thazard juchée sur la tête.

A deux kilomètres plus à l'Est, le village de Baia das Gatas ("baie des requins-chats") avait été lui aussi fondé par des pêcheurs, mais est devenu ces vingt dernières années le lieu de villégiature de la bourgeoisie mindelense, qui y a bâti des centaines de villas sans harmonie ni grâce, avec vue sur la baie et sur l'immense piscine naturelle formée derrière la digue. Au mois d'août, tout Mindelo se déplace jusque sur la plage de Baia pour y assister pendant trois jours au phénoménal festival, créé en 1984, et qui a déjà vu jouer des célébrités internationales comme Daniela Mercury, Kassav, Tribo de Jah, Tiken Jah Fakoly, Sierra Maestra, Junior Marvin, et bien entendu, tout ce que l'archipel compte d'interprètes, des plus talentueux aux plus éphémères.

Plus au sud, le village de Calhau jouit d'un plus grand calme. Lui aussi tourné vers la mer et vers la pêche, il accueille chaque week-end de nombreux habitants de Mindelo venus goûter le repos et la vue des deux volcans noirs dominant le village, avant de rejoindre les très belles plages voisines, celle de Praia Grande, appréciée des surfistes, ou celle de Sandy Beach / Boca das Lapas, réputée chez les bodyboarders.

Enfin, pour profiter d'une vue panoramique globale sur São Vicente et sur les îles voisines de Santo Antão et de Santa Luzia, il faut monter au sommet du Monte Verde, trônant au centre de l'île et recouvert de végétation quasiment tout au long de l'année. Ses 774 mètres d'altitude en font le point le plus haut de l'île, endroit idéal pour y installer des antennes de télécommunication, gardées jour et nuit par des militaires.

Ils sont nés sur São Vicente:
Cesaria Evora (chanteuse)
Bana (chanteur)
Sergio Frusoni (poète)
Manuel d'Novas (compositeur)
Renato Cardoso (compositeur et homme politique)
Manuel Lopes (écrivain)
Antonio Pedro da Cruz, dit Topad ou Tonio (skipper)

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